- "Maggio", une tradition discrète d’épopée populaire de l’Appennino émilien et Toscan, un drame musical dans lequel il était d’usage que l’écriture poétique et sa mise en musique soient pratiquées collectivement par des auteurs ruraux et des cliques villageoises. Sous sa forme la plus simple, c'est une mélodie lancinante propre à chaque bande, inlassablement répétée par un seul violon et reprise tour à tour par chaque membre d'une compagnie de chanteurs déroulant l'oeuvre épique pendant parfois plus de cinq heures. Le Maggio est associé historiquement à la résistance contre le fascisme, on le chantait dans les maquis durant la deuxième guerre mondiale mais on le trouve mentionné bien plus tôt, furtivement, ici et là, jusque dans la Comédie de Dante. Son usage se perpétue après-guerre grâce au concours solidaire de paysans, de militants et d’intellectuels bolognais, aujourd’hui demeurent quelques rares compagnies de Maggio, s'appliquant avec un bel artisanat à conserver les textes, costumes et mélodies dans leur formalisme classique, en organisant de nombreuses fêtes populaires tout au long de l'été. Il me semble que le caractère essentiel de cette pratique pourrait être considéré comme frère de certaines tentatives contemporaines d’ouvrages collectifs, qu'ainsi une manière d'honorer son héritage serait d’imaginer au présent de nouveaux objets culturels singuliers, œuvres maggistiques des "sans-racines". Chercher à faire apparaître, en son défaut, l'écriture partagée d'une culture déshéritée, faire clique des rejetons du manque, enfantés aussi bien par le crépuscule des habitus populaires que par les hurlements bruitistes, par les places publiques des villages comme par le fourmillement des flux numériques.
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